Les amendements organiques : impacts sur la fertilité de sols et gestion des apports

Comprendre la matière organique et ses enjeux dans la fertilité des sols

Lors du SIVAL 2024, une conférence dédiée à l’impact des amendements organiques sur la fertilité des sols a été menée par des enseignants-chercheurs en sciences du sol de l’Institut Agro Rennes-Angers. La présentation s’est articulée autour des cycles de la matière organique, des indicateurs de fertilité des sols, et des résultats d’un projet récent lié à la valorisation de biodéchets en compost. Ces apports représentent des leviers majeurs pour répondre aux enjeux de séquestration du carbone, de régulation du climat et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La matière organique se compose de trois composants majeurs. La matière organique vivante inclut les organismes comme les vers de terre, les racines et les micro-organismes, tous impliqués dans la décomposition. Ensuite, la matière organique fraîche regroupe les débris, résidus de culture et exudats racinaires. Enfin, la matière organique stabilisée – également appelée humus – provient de la dégradation lente de la matière fraîche, et elle confère au sol des propriétés essentielles à sa fertilité. Sa dégradation produit des éléments assimilables pour la croissance végétale tels que les nitrates et phosphates. Malgré une faible proportion dans les sols, la matière organique joue un rôle clé dans leur dynamique et leur structure.

Par ailleurs, les cycles de transformation de la matière organique incluent des processus tels que l’humification, contribuant à la stabilisation de l’humus, et la minéralisation, qui libère des éléments nutritifs pour les cultures. Ces mécanismes reposent sur une interaction complexe entre les constituants organiques et minéraux du sol. En parallèle, les émissions de gaz, notamment le dioxyde de carbone, proviennent de l’activité biologique des sols, soulignant des défis en matière de durabilité agricole et de gestion des apports en matière organique.

Indicateurs de fertilité et gestion des analyses de sols

Les propriétés de la matière organique impactent trois dimensions de la fertilité, à savoir physique, chimique et biologique. Ces paramètres déterminent, d’une part, la structure et la stabilité des sols face à l’érosion et, d’autre part, leur capacité à stocker les éléments nutritifs nécessaires aux cultures. Par exemple, l’association argilo-humique permet de créer un “frigo” reteneur de nutriments essentiels comme l’ammonium et le phosphate. Ce complexe confère aussi au sol une résistance mécanique tout en favorisant l’infiltration d’eau et l’ancrage racinaire.

Cependant, une composante dynamique de cette matière organique est sa capacité à retenir les polluants – qu’ils soient des métaux lourds ou des substances phytosanitaires. Bien que positifs sur le court terme, ces liens avec les polluants restent fragiles et peuvent se dissoudre, provoquant des transferts vers les cultures ou les nappes phréatiques. Par conséquent, la caractérisation de différents sols repose sur un ensemble d’indicateurs physiques (comme l’érosion ou la texture), chimiques (taux de matière organique ou pH) et biologiques (diversité des vers de terre, respiration du sol). Les analyses de sols réalisées dans les laboratoires aident les producteurs à ajuster leurs pratiques agricoles tout en prenant en compte des bilans annuels pour maintenir de manière optimale le stock de matière organique.

Choisir le bon amendement organique dépend d’objectifs précis. Par exemple, des composts riches en matière organique stabilisée favorisent le stockage de carbone, tandis que des produits à faible taux de stabilisation, tels que les fumiers de poulet, agissent rapidement comme engrais nutritifs. Ces ajustements visent à préserver une fertilité équilibrée en fonction des spécificités des sols et des cultures.

Résultats et tests sur la valorisation agronomique des biodéchets

Un projet de recherche mené par une coopérative spécialisée dans le compostage a examiné l’usage agronomique de composts issus de déchets alimentaires. Ces essais, réalisés à Angers, ont porté sur deux types de sols contrastés par leur texture et sur trois espèces légumières (laitue, radis, pommes de terre). Les amendements organiques étudiés incluaient des mélanges à base de déchets verts et alimentaires, comparés à un compost uniquement végétal.

Les résultats ont mis en lumière des variations significatives selon les propriétés chimiques et biologiques des composts. Par exemple, les mélanges incluant des biodéchets avaient un taux de fertilisation supérieur, favorisant l’augmentation des rendements des cultures. Les composts riches en azote minéral se sont avérés particulièrement performants, contrairement à ceux présentant un rapport carbone-azote élevé. De manière générale, les essais ont montré une amélioration de la capacité de rétention d’eau et de la qualité du sol, confirmant l’intérêt de ces amendements locaux en agriculture.

Par ailleurs, les analyses ont veillé à respecter les normes environnementales, avec des teneurs en métaux lourds inférieures aux seuils réglementaires. Toutefois, une interrogation subsiste quant à la présence potentielle de résidus phytosanitaires dans ces composts. Ce point reste une préoccupation majeure pour les agriculteurs, bien que ces travaux initiaux confirment le potentiel des biodéchets pour des usages durables et leurs bénéfices sur les cultures légumières.